Des chercheurs affirment que les personnes portant à la fois des lunettes et un masque et qui utilisent des produits antibuée, comme les lingettes ou les sprays, pour dégager leurs verres s’exposent à un certain type de substances perfluoroalkylées dont la nocivité pour l’organisme est encore inconnue.
Les produits dits « antibuée » sont très utiles pour les personnes portant à la fois un masque et des lunettes pour éviter la condensation. Face à cet engouement croissant en lien avec la pandémie de COVID-19, des chercheurs de l’Université Duke ont voulu savoir si ces produits vendus sous forme de spray ou de lingettes contiennent des substances nocives pour la santé. Mauvaise nouvelle : ces derniers peuvent contenir des niveaux élevés de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS, de l’anglais per- and polyfluoroalkyl substances) selon leur étude publiée dans la revue Environmental Science & Technology. Ces derniers constituent une vaste classe chimique de composés organofluorés synthétiques.https://724202c88999fc4d3dd070359244df63.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-38/html/container.html
Les chercheurs ont testé les quatre sprays antibuée et cinq chiffons antibuée les mieux notés sur le site Amazon, et ont découvert que les neuf produits contenaient des alcools de télomères fluorés (FTOH) et des éthoxylates de télomères fluorés (FTEO), deux types de PFAS. Or, l’exposition à certains PFAS, en particulier l’acide perfluorooctanoïque (PFOA) et l’acide perfluorooctanesulfonique (PFOS), est associée à une altération de la fonction immunitaire, à des cancers, à des troubles de la thyroïde et à d’autres troubles de santé. Les femmes enceintes et jeunes enfants sont particulièrement à risque face à ces produits, qui peuvent affecter la santé reproductive et développementale.
Des substances à la nocivité sur l’Homme peu étudiée
« Nos tests montrent que les sprays contiennent jusqu’à 20,7 milligrammes de PFAS par millilitre de solution, une concentration assez élevée. », explique Nicholas Herkert qui a dirigé l’étude. Étant donné que les FTOH et les FTEO ont fait l’objet de relativement peu d’études à l’heure actuelle, les scientifiques ne savent pas encore quels risques précis ces derniers pourraient représenter pour la santé. Mais ils supposent qu’une fois les FTOH inhalés ou absorbés par la peau, ces substances peuvent se décomposer dans le corps en acide perfluorooctanoïque (PFOA) ou en d’autres types de PFAS connues pour être toxiques. L’équipe scientifique s’est particulièrement intéressé aux effets possibles des FTEO.
Il s’avère que les résultats ont montré une toxicité significative pour la modification des cellules et une conversion en cellules adipeuses lors de tests en laboratoire. « Si nous devions supposer que les FTOH et les FTEO ont une toxicité similaire à celle du PFOA et du PFOS, une pulvérisation vous exposerait au PFAS à des niveaux supérieurs à ceux que vous recevriez en buvant un litre d’eau qui contient du PFAS à la limite actuelle pour une consommation sûre dans le pays, qui est de 70 nanogrammes par litre.», ajoute Nicholas Herkert. « Il est troublant de penser que les produits que les gens utilisent pour assurer leur sécurité pendant la pandémie peuvent les exposer à un risque différent. »
Quid des autres produits chimiques ?
Le risque est d’autant plus important que certains produits nécessitent une vaporisation sur les lunettes puis un frottement avec les doigts pour le faire pénétrer. Les chercheurs déplorent par ailleurs le fait que pour aucun des produits analysés, la liste des ingrédients ne soit disponible à vue d’oeil pour savoir s’ils contiennent effectivement des produits chimiques potentiellement nocifs. Il a fallu pour cela les analyser en laboratoire à l’aide d’une technique appelée « spectrométrie de masse à haute résolution ». En raison de la petite taille des échantillons testés, ils appellent à mener des recherches supplémentaires sur ce sujet afin d’étoffer ces premières conclusions, avec notamment des tests sur des organismes vivants.
« Les FTOH et FTEO pourraient être des perturbateurs endocriniens mais le seul moyen de le savoir est de procéder à des tests in vivo sur des organismes entiers. Nous n’avons effectué que des tests en laboratoire. », indique Nicholas Herkert. Des études avec des échantillons plus importants permettraient aussi d’identifier d’autres produits chimiques « cachés » également contenus dans ces sprays ou les chiffons aux effets antibuée. « En raison du COVID, beaucoup plus de personnes utilisent ces sprays et chiffons pour empêcher leurs lunettes de s’embuer lorsqu’elles portent des masques. Elles méritent de savoir ce qu’il y a dans les produits qu’elles utilisent. », concluent les chercheurs.